Journal de bord de la première semaine de traversée


Samedi 27 novembre 

2nd départ, le grand départ pour la transat cette fois !

Il y a du vent, cela nous motive Beaucoup et nous réjouit ! Nous ferons enfin de la voile :)

Soleil, vent 15nds, nous quittons la terre ferme vers vers 11h. 

Nous nous éloignons du Cap Vert sous voiles en longeant l'île de Mindelo.

Le catamaran de 67 pieds où nous avons passé la soirée hier soir, nous dépasse au bout d'une petite heure sur tribord, avec ses grandes voiles grises, plutôt majestueux.

Nous nous retrouvons à l'abri du vent pendant 4h dans l'après-midi, donc moteur, again. Cela nous laisse le temps d'installer le tangon sur bâbord, qui semble efficace, même si le vent se fait désirer (oh non, déjà!)

Enfin, le vent revient dans la soirée, et le bateau est à nouveau propulsé à la force des voiles.

Ça bouge pendant la nuit, la houle a grossit, et le ciel s'est couvert


Dimanche 28 novembre

Joyeux Anniversaire Céleste 🎊

Ciel gris, vent soutenu 15 à 20nds, houle croisée et creusée, 2 à 2,5m. Pas très confort, au programme : sieste, houle, roulis, sieste, déjeuner, lecture, sieste, goûter, sieste, dîner, quart, sieste.

Souvent, des bancs de poissons-volants surgissent de part et d'autre du bateau : ils prennent leur envol à la sortie d'une vague et réalisent un vol à 10cm de la surface, sur 50m, en ricochant parfois sur une vaguelettes. C'est fascinant !

Le matin, guidée par la douce odeur de pousson sèche, je ramasse régulièrement un poisson-volant suicidaire qui a fini son vol... sur le pont du bateau !

Mes lectures ont repris de plus belle, finie la saga de Gilles Belmonte (ndlr, saga de romans d'aventure de la marine républicaine à la fin du 18e siècle, de Damien Clauw, je recommande +++), on a perdu la bataille de Traflagar mais l'issue est belle pour l'officier de Marine.

La fatigue se fait ressentir, car la mer est mouvementée, il est difficile de trouver une position stable pour se reposer, donc je crois que mes nuits ressemblent beaucoup à celles de mes anciennes colocs réveillées par d'autres types de bruits (d'enfants) à longueur de nuit ! #union


Lundi 29 novembre

Houle, vent, ciel changeant, grosse houle, vent, nuages, TRÈS grosse houle.

Sieste, repas, sieste, lecture, sieste repas. Cela demande un peu temps pour s'acclimater à ces nouvelles conditions dans ma maison flottante et surtout tanguante !

Le temps paraît un peu plus long et monotone que ce qu'il m'avait semblait lors de la traversée calme entre Tenerife et le Cap Vert.

Nous comptons toujours au minimum un fou rire par jour, et d'heureuses pensées à l'idée d'imaginer ceux que j'aime et qui me manquent, les souvenirs passés, et les projets à venir.


Mardi 30 novembre

Assez idem.

La houle à grossit, parfois des vagues de 3m, 3,5m ou même 4m semble-t-il. Et des pointes de vent à 25-30nds.

C'est beau, et on se sent en sécurité dans ce voilier. Les manœuvres pour réduire les voiles sont adaptées à l'état de santé du capitaine : mine de rien, les voiles sur enrouleur automatique, le tout centralisé dans le cock-pit central, c'est vraiment confort. Si confort qu'on n'a quasiment rien à faire. Mais avec de telles conditions ! C'est plus sûr, car plus besoin hallier au pied du mat pour prendre un ris dans la grand voile, plus besoin de se rapprocher du vent pour enrouler le génois. Notre fidèle pilote automatique (surnommé Goerge en hommage au pilote automatique de Nonpareil #nostalgie) à accepté de me laisser barrer quelques heures le jour du départ, mais depuis on ne touche plus la barre ! C'est royal !

Le cock-pit central nous permet aussi d'être abrités des éventuelles vagues rebelles. De temps en temps, on se laisse surprendre par quelques gouttes d'eau de mer qui franchissent quand même l'entrée du cock-pit, ce qui a l'avantage de nous rappeller qu'on est au milieu de l'océan, mais qui a tendance à abîmer mon brushing (la blague...!)


Aux dires du capitaine, ce ne sont pas encore les alizés car il y a des nuages. Et il fait un peu trop frais pour que ce soient les alizés. Ok, si tu le dis ChriChri. On a un léger doute mais entre lui et nous, c'est plutôt lui le vieux loup de mer.

Nous ne nous plaignons pas de notre sort, car grâce à ces conditions un peu plus musclées et un bateau qui se dandine sans cesse sur l'eau : 140miles en moyenne par jour, il y a du chemin parcouru chaque jour !!

Nous sommes même flashés à 10,5nds lors d'un grand surf, c'est notre petit record.

Nous avons effectué la moitié des miles à parcourir entre Tenerife et le Marin !


Tout est si beau autour de moi ! La mer bleue, en relief, les vagues qui déferlent par moments régalent les mirettes, et offrent des camaïeux de bleus intenses et magnifiques.

La nuit est limpide, je passe mon quart de 21h à minuit allongée sur bâbord dans le cockpit, les yeux rivés sur la voie lactée.


Mercredi 1er décembre

On ne s'étendra pas sur le climat, quand la date fait songer à ce à quoi doit ressembler un matin en France, à Nantes ou à La Montagne au bord de la Loire par exemple. Brrr, gla gla. Revenons à nos moutons. Justement, il y en a toujours, et des beaux, à la surface de l'océan. La force du vent n'a pas décidé de baisser, et c'est une nuit mouvementée qui s'achève. Dur dur de trouver le sommeil dans sa couchette quand le bateau ne cesse de se promener de droite à gauche, avant arrière, au gré des vagues et du vent. Mais l'air du grand large, la beauté de cet espace géant qui m'entoure, les miles parcourus depuis hier (139miles en 24h, pas si mal !) me rendent simplement heureuse. Quelle chance de goûter à cette aventure, rythmée par le vent, les vagues, le trajet du soleil au dessus de mon bateau et de ma tête.


Scoop : 15h15, on a enfin trouvé l'accélérateur ! Nous sommes plein vent arrière, nous nous lançons dans la mise en place du tangon sur tribord, afin de dérouler le génois et de l'installer en ciseaux. Essai n*1, la tangon revient plein arrière... la garde était trop courte. Essai n*2, le tangon part plein avant... à cause du vent. Essai n*3 : oh yeah, le tangon est enfin positionné dans la bonne direction, nous déroulons le génois aux 3 quarts, nous sentons le bateau glisser, beaucoup plus équilibré et nous avons gagné 1,5 à 2knts sur notre vitesse ! Victoire ! Pourvu que l'allure ne change pas trop...

Minuit : depuis notre cabine avant (dans laquelle nous faisons un gros dodo, enfin, nous eessayons, ntre les vagues déferlantes droite gauche avant arrière... car Papy Christian a souhaité veiller cette nuit pour surveiller le nouveau dispositif de propulsion) nous entendons un grand boum : le tangon vient de lâcher. Nous constaterons demain matin que la garcette servant d'attache à la poulie arrière a lâché. Elle avait 26 ans cela dit, ça semble honorable pour une petite gâchette epissurée. Ce sera le plus gros pépin de matos de notre traversée, ce qui est une grande chance sur une si grande traversée !

Puis la pluie s'invite, il n'y a plus de vent, le moteur recommence à ronfler. Et enfin, à nouveau les voiles. 


Jeudi 2 décembre 

J'émerge à peu près en même temps que le soleil, disons qu'il est 6h environ (car les 4 horloges du bateau donnent maintenant des heures différentes : une à l'heure française, une à l'heure Cap Verdienne, une à une heure improbable, et une que l'on décale de temps en temps pour compenser les 3h de décalage horaire jusqu'aux Antilles). Donc nous avons décrété que le soleil se levait à 6h et se couchait à 18h, ce qui semble à peu très logique le long de cette latitude.

Essai n*4 : le tangon est remis en place, cette fois c'est la bonne ? A cette allure, si le vent se maintien, Christian se prononce : on mettra environ 7jours (optimiste... ). Reste à vérifier que les conditions et tout le reste soient cléments !

Je ne peux m'empêcher d'être totalement déconnectée, de compter/décompter un peu les jours de traversée. C'est vrai que le temps se fait parfois long, la houle nous fatigue, les multiples bruits du bateau qui bercent le quotidien, sont parfois usants :

1. Le pilote automatique qui agit sans cesse sur le gouvernail pour corriger le cap, par l'intermédiaire d'une chaîne métallique,

2. L'hélice qui se transforme en hydrogenerateur pour charger nos batteries quand on marche à la voile, et qui accélère à chaque surf de grosse vague,

3. Le bateau qui craque en se pavant de droite à gauche au rythme de la houle, 4

4. Les vagues qui heurtent la coque dans la cabine avant,

5. La baume qui claque quand la GV souhaite aller faire un tour du côté de l'empannage.

6. Etc.


Grand soleil, on sort les bikini et faisons bronzette en bouquinant au soleil.

Aujourd'hui, on decrète qu'il est temps de prendre un shampoing et une bonne douche, puisque l'on a atteint le tiers de notre traversée. C'est un peu la fête en somme, eh oui, on se réjouit des petites choses du quotidien à bord !

Puis nous croisons la route d'un bateau/cargo mystérieux, qui semble ne pas bouger, étrave au sud. Serait'ce un navire russe ? Un pêcheur ? Un bateau chargé de relayer la position d'un satellite ou d'une fusée envoyée depuis la terre ? (Dixit Christian). On n'en saura pas beaucoup plus, et en plus il n'a pas de pavillon visible.


Et ce soir après de belles couleurs de soleil couchant derrière un majestueux nuage gris, c'est repas de crêpes ! Faire des crêpes quand on gîte à 40* sur tribord puis sur bâbord ? Rien n'est impossible à bord de Belenos ! Œuf coulant, confit d'oignon, gruyère râpé, coppa, tous les ingrédients sont au rdv pour la complète. Bon appétit, et à demain.

Autour de minuit, Juju vient me réveiller pendant son quart : les feux d'un bateau se rapprochent beaucoup et sont difficiles à déchiffrer. Notons quand même qu'on est contentes de rencontrer un signe vivant de la race humaine, car c'est bien rare depuis que nous avons quitté le port ! Nous finirons par le doubler sur tribord, mais à une distance vraiment réduite d'une centaine de mètres. Nous voyons enfin son feu vert (tribord), puis dans notre sillage un mélange de rouge et de vert. Il est derrière nous, je prends mon quart et Juliette peut essayer d'aller dormir sur ses deux oreilles.


Vendredi 3 décembre 

Après un quart de minuit à 5 ou 6h, c'est grasse matinée Pour moi ce matin. Il semble que la mer se calme.

RAS, un peu de lassitude de ces journées qui se succèdent et se ressemblent, mais un coup d'œil sur ce qui m'entoure, un peu de recul sur cette situation chanceuse de voguer au milieu de l'océan, à la voile, début décembre, au soleil, quand la plupart sont au travail et n'ont pas très chaud... et un coup d'œil au compteur de miles parcourus, suffisent à me oublier immédiatement ce début de nostalgie.


Nous découvrons jour après jour que la conavigation avec Christian, 78 ans, rime avec un apprentissage fidèle de la cohabitation... ce qui n'est pas toujours aisé quand on voit le personnage : un embonpoint prononcé (il est diabétique et a des petites fragilités cardiaques), il se bloque tous les 4 jours le nerf sciatique suite à des mouvements un peu trop violents, il est abîmé l'omoplate droite suite à un vol plané sur toute la largeur de son grand bateau (maudite houle!), son pied gauche présente des signes d'infection (on a dégoté dans son tiroir de pharmacie un antibiotique permettant de limiter les dégâts... hop dans le pilulier !) et le plus difficile à apprécier peut être, après tant de jours de navigation sans douches, sont nos différences de notion d'hygiène. Le cocktail n'est pas sympathique à chaque minute, et par moments on se demande s'il arrivera entier aux Antilles, mais il est solide papy Christian !